vendredi 15 mai 2009

La Grande Molène (suite)

Les molènes de Caravaggio

Continuons cette présentation d’une plante inintéressante. Les genres botaniques Verbascum et Verbena (les verveines) partagent la même étymologie: ils viennent de la racine qui signifie “verge”. Quant à l'épithète thapsus, il provient de l’une des deux villes de l’antiquité portant ce nom. Le nom commun de molène, lui, vient du latin mollis, mou. L’anglais mullein en dérive. Les grandes feuilles sont en effet souples, molles et très velues.

La plante est bien connue depuis l’Antiquité. On trempait ses grandes inflorescences dans l’huile pour en faire des torches. Plus tard on se servait des poils de la plante pour en faire des mèches à chandelle. Pas besoin d’être intéressante pour être utile!

Quant aux usages médicinaux, à l'aide de votre moteur de recherche préféré vous en trouverez une bonne vingtaine (maux de têtes, crampes, brûlures, fièvres, pieds froids...). Les usages médicinaux des plantes me laissent souvent perplexe: ainsi la molène serait un émollient. C’est à dire “ayant pour propriétés d'amollir et de détendre les tissus de l'organisme”. Les vertus médicinales sont-elles déterminées par euphonisme ou par l’étymologie? Une doctrine des “écritures”?

La réalité des vertus médicinales des plantes ne fait aucun doute. Mais je me dois de remarquer que la combinaison mathématique des très nombreux usages (souvent contradictoires) d’une même plante et de la nature de véritable “usine à produits chimiques” que sont les végétaux doit assurément produire au moins un effet (bénéfique, espérons) vérifiable! Statistiquement c’est certain!

Je suis toujours étonné et je ne sais pas toujours que répondre aux questions des gens sur les vertus médicinales de telle ou telle plante. Il y a, me semble-t-il, bien d’autres façons d’étudier ou d’apprécier les plantes. Que répondriez-vous lors d’un rendez-vous d’observation des oiseaux si quelqu’un vous demandait “Comment cuisine-t-on cette mésange?” Peut-on regarder les végétaux autrement que comme ressource alimentaire ou de santé?

Caravaggio, (1571–1610) le dangeureux peintre baroque, me suggère une place pour la molène dans les cultures humaines qui lui (et me) convient parfaitement. Il a peint plusieurs versions de Saint-Jean-Baptiste. Au bas des deux tableaux ci-haut on trouve justement la molène. Elle s’y trouve pour ses propres facultés biologiques. La plante en elle-même. C’est sa morphologie et son mode de croissance (son histoire naturelle, disait-on) et le fait qu’elle soit si remarquablement géante et vigoureuse, dressée comme un cierge, qui l’a d’abord fait remarquer par les humains. Molle...puis...

L’ambiguité habituelle du peintre lui fait choisir un bélier plutôt que l’agneau sacrificiel pour symboliser le Christ. Que vient faire la molène dans ces tableaux? Peut-être un symbole de la résurrection? La plante est bisannuelle et après avoir poussé tout l’été elle passe l’hiver sous la forme d’une grosse rosette de feuilles velues. Ce n’est que l’été suivant qu’elle fleurira, une véritable résurrection après l’hiver. Comme symbole facilement compréhensible du Christ, c’est assez bien trouvé, la plante étant connu de tous pour son impudent spectacle.


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