vendredi 10 septembre 2010

L’art de la disparition







 L’exotique devenu familier puis rendu étrange


L’américain Walton Ford fait des aquarelles grand format où son travail méticuleux mêle allégories, histoire, colonialisme et folies ordinaires des humains. Nous oublions facilement devant une aquarelle d’Audubon qu’il a en fait tué bien plus d’oiseaux qu’il n’en a jamais peint. Et il en va ainsi de toute l’histoire de l’histoire naturelle... et humaine!


Reprenant le style des images des publications naturalistes du 19e siècle, sur du papier jauni avec des notes au crayon ajoutées par un naturaliste qui n’existe pas, Walton Ford voyage dans le temps et dans nos représentations de la nature. Il nous donne une histoire ré-écrite de la découverte souvent sanglante des nouveaux territoires et des nouvelles espèces. Encore au tout début du 20e siècle l’allemand Friedrich Robert von Beringe aura le réflexe “naturel” de l’époque devant une nouvelle espèce : il tue deux gorilles des montagnes pour avoir des spécimens à ramener. Le gorille des montagnes est une espèce menacée et porte maintenant, en tant que sous-espèce, le nom de son "découvreur" : Gorilla beringei beringei. Pas mal, non?




Des milliards (eh! oui) de tourtes habitaient notre région.


Les facteurs expliquant la disparition de la tourte sont complexes et interreliées. La déforestation est une de ces causes. Peut-être est-ce phénomène qu’illustre Walton Ford sur cette aquarelle. Ou à moins qu’il ne s’agisse que d’une référence au fait bien connu que ces oiseaux nichaient par centaines dans un seul arbre. Les sites de nidification s’étendaient littéralement sur des kilomètres... La chasse s’en trouvait d’autant facilitée... Les nombres et les comportements de masse de la tourte étant les causes mêmes de leur disparition. Il n’y a plus de tourtes, elles ne survivent que dans le nom de nos tourtières. Comme pour le gorille nous avons nommé sa disparition.


Lisez cet excellent Wiki sur la tourte: Ectopistes migratorius


Les naturalistes n’ont évidemment pas causé la mort de toutes ces espèces: dodo, tigre de Tasmanie, et chez nous: tourte, etc. Ce sont nos comportements de masse en appétit de tourtières qui ont fait le boulot, le ventre plein de cette nourriture tombée du ciel... La biodiversité passe par notre estomac... et disparaît...




En Tasmanie ce “loup” dévorait (disait-on) les moutons.

Le tigre de Tasmanie (oui, un cousin du diable de Tasmanie) était un marsupial carnivore. Je me souviens de l’étonnement ressenti la première fois que j’ai vu un court film le montrant encore vivant dans les années 30. Comme pour le loup une prime était donnée pour chaque carcasse. La sécurité des familles des colons, de leurs moutons (et de leurs chiens apparemment effayés par l’odeur du “monstre”) a vite conduit à l’extermination de Thylacinus cynocephalus. Il "vit" aujourd'hui sur les armoiries de la Tasmanie, avec au bas la devise  "Ubertas et Fidelitas" : "Fertilité et Foi".

Voyez tous les films connus réunis ici: compilation de films

Visitez  The Thylacine Museum

 




J’ai fait ce petit montage en mémoire de la bête que j’aurai volontier adopté. Ni canin ni félin. Je nous imagine traversant le bush australien, chassant le lapin. Ou autre chose...

Quel était son cri?




Pour en savoir plus sur l’artiste:

Une galerie de photos
Un film. Vous aurez aussi une idée de la dimension de ses aquarelles.
Tigers of Wrath: Watercolors by Walton Ford





1 commentaire:

  1. Génial ce W. Ford. S'il y a de l'Audubon en lui, il doit y avoir aussi une goutte de Bosch ou de Bruegel. Génial et inquiétant...
    Je ne le connaissais pas. Merci de nous l'avoir présenté.

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