samedi 29 juin 2013

Dans l'ombre du Ginkgo biloba



Au Square Viger

On plante à la tonne le Ginkgo biloba. L'arbre aux quarante écus (ou aux mille...) est adaptable aux environnements les plus difficiles du milieu urbain. Il est ainsi une solution toute faite pour les architectes-paysagistes, aménagistes et autres planteurs pressés en affaire. Le nom de l'arbre a de plus une résonance culturelle forte mais c'est une construction assez imprécise: il vient du lointain Orient, de l'ancienne Chine, c'est une arbre fossile, il est une espèce médicinale... Il a aussi ce feuillage d'une belle douceur verte qui tournera à l'or à l'automne. C'est véritablement un complet argumentaire de vente utilisé depuis vingt ans. L'acceptabilité sociale a été bien travaillée par l'industrie horticole et les responsables de la forêt urbaine! L'arbre a aussi, quand il est jeune, cette forme bien régulière et géométrique qui séduit. "Ça marche" comme me disait un architecte. Un assez bref argument d'autorité... En cas de besoin ce dernier disposait aussi d'un autre argument: "Ça marche pas". Son répertoire d'appréciations critiques est impressionnant de parcimonie: l'une ou l'autre s'applique à toutes les situations...


Changement de régime: les tapis de cartron seront bientôt remplacés par des tapis de yoga...

On semble oublier que l'arbre magique atteint des dimensions assez respectables toutefois... ça fait joli quand c'est tout neuf et tout vert. Les trois sur la première photo ci-haut ont été planté dans un endroit exigüe, l'un étant même tout contre l'édicule de béton bleui. "Ça marche" parce que c'était beau sur la présentation photoshopée, solution toute faite pour retaper rapidement le Square Viger.

Pourquoi retaper ce parc fait d'étranges structures de béton, curieusement végétalisées, à la clientèle si particulière? Parce qu'on construit le nouveau Très Grand Super-Hôpital juste de l'autre côté de la rue... 

Les résidents du "parc" déménageront. Ces hommes (who cares?) qui vivent dans des boîtes de cartron ne seront plus tolérés par la nouvelle clientèle d'infirmières et autres employées de l'hospi. Ces derniers aimeront bien le Ginkgo toutefois... Ils pourront y prendre leur thé chai sous l'ombre orientale. Cette singulière gentrification nous amènera ensuite des tapis de yoga... Vous voulez parier?

"Où est le problème?", vous me demandez, après tout "Ça marche" les sans-abris...




10 commentaires:

  1. oh là...

    Je m'auto-censure tellement vous faites réagir.

    Je suis pas infirmière pour autant... mais j'ai donc passé souvent à côté de notre sans-logis "établi" dans les racoins de l'hôpital neuro et du royal vic... Là où poussait les ancolie dont je parlais cette semaine. 5 ans à le croiser, parfois à le voir se pointer à la cafétéria pour faire le tour des cabarets "terminés" de ceux qui achetaient sans vraiment manger à la cafétéria.

    J'avais de l'empathie pour lui. pas du dégout, pas de la pitié. non. de l'empathie.

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  2. C'est tout à votre honneur Manon. Par ailleurs je ne crois pas que tout le monde fera preuve de tant d'empathie et de tolérance. Curieux j'aurais pu croire faire réagir un architecte plutôt!

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  3. Je ne sais pas trop comment te le dire Roger mais, parfois j'ai l'impression que tu dis exactement ce que je penses! Merci tellement. Est-ce parce que c'est payer cher tout ce beau monde-là, qu'ils aient besoin de toujours tout faire vite??! En design graphique, j'ai appris l'inverse: tu prends du temps pour réfléchir (ouf!) et faire de la recherche, afin de pouvoir justifier tes choix. Mais bon, ce n'est pas trop mon domaine, l'architecto-aménago-planto machin truc... Puis, j'ai une sympathie naturelle pour les marginaux!

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  4. Pourquoi réfléchir? Ça va pas? Il s'agit tout simplement de glisser trois silhouettes vectorisées de Ginkgo dans le plan AutoCAD et le tour est joué... L'arbre est par ailleurs produit à la tonne dans une variété hallucinante de cultivars... on le trouve partout et vite. L'affaire est bouclée en quelques heures de non-réflexion. Ça se paye cher ça... Content que ça te plaise Luc! Merci!

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  5. Ok, mais outre ça, le square Viger est une erreur d’urbanisme au départ, l’autre problème, c’est l’endroit lui-même. Pourquoi l’as t’on conserver déjà ?

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  6. C'est assurément un parc... différent! Mais je t'invite à le visiter si tu ne l'a pas fait récemment. Ç'est un espace fabriqué et étonnamment bétonné avec de drôles de structures. Comme un village imaginaire. Et un village c'est toujours habité... dans ce cas-ci par des sans-villages.

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    1. Oui, je connais très bien, j’ai même écrit dans le journal Metro l’année dernière au sujet de ce parc... Sur la question de le conserver ou pas...

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