mercredi 3 juillet 2013

Ombres portées de l'orme



Trois colosses dans le "parterre" du parc Jarry

Trois arbres, de beaux grands arbres, dans un parc qui n'est pas le plus remarquable. Le parc Jarry est un grand ensemble de terrains de sports les plus divers, stade et terrains de tennis (la grosse affaire ici), pétanque, cricket et aire d'observation de la croissance de la pelouse, etc. Ne manque que le water-polo et l'équitation ou le Fuchsprellen! Un parc intensément fréquenté à coup sûr! Il y a beaucoup de place, beaucoup d'air, de lumière et du gazon... avec des aires de loisir libre (!). Jouer c'est bien, mais s'amuser c'est mieux! Et, moi, ce qui me branche c'est l'archéologie superficielle, peu profonde: d'où viennent ces arbres? 

Le parc s'est installé sur une prairie où on trouvait des terres cultivées et le ruisseau Saint-Aubin autrefois. Avant qu'on en fasse un parc, qui fût remodelé plusieurs fois, on y trouvait toutefois des arbres dont une forêt d'Ormes d'Amérique. (lisez un peu sur l'histoire du parc ici)

Cette forêt a des vestiges. Sur la photo ci-haut, de gauche à droite:

1- Ulmus americana, Orme d'Amérique, American elm
2- Quercus macrocarpa, Chêne à gros fruits, Bur oak
3- Quercus macrocarpa, Chêne à gros fruits, Bur oak

(Les mêmes numéros sont utilisés sur les photos suivantes)


Vues aériennes du parc.

À gauche, en noir et blanc: le parc Jarry en 1947-49 (photomontage de deux photos aériennes provenant des Archives VdM) et à droite une photo datant d'avant 2011 (avant qu'un écran de peupliers fastigiés soit planté), gracieuseté de Google Earth. Sur la photo d'archive, la plupart des ombres portées sont celles des ormes aujourd'hui disparus. Leurs silhouettes classiques ne mentent pas. Et in Arcadia ego...

Vous voyez les trois points jaunes? Tout juste? Rassurez-vous! Un agrandissement suit en bas. Ce sont les trois arbres montrés en ouverture.



Détail du montage précédent.

Accordez-moi un peu d'indulgence: je viens d'ouvrir ce dossier du parc Jarry et le repérage n'est qu'approximatif... Mon imprécision n'empêchant peut-être pas une certaine impression du sublime? C'est que, de toute cette population d'ormes, ces ombres photographiées, elles-mêmes caduques et disparues, visibles seulement par la copie et recopie d'un vieux document jusqu'ici sur mon blog, sont tout ce qu'il reste de ces arbres. Nos trois arbres sont quelques-uns des rares survivants. Notez qu'un autre orme se trouve dans la partie sud du parc, près de l'étang. Mais je crois bien qu'il ne reste que ces deux ormes. Et des chênes.


La forêt d'ormes disparus. Photo de Conrad Poirier, 1939 (BANQ)

Cette belle photo de Conrad Poirier nous donne une bonne idée de la singularité d'une forêt dominée par des Ormes d'Amérique. Il faut quand même souligner que cette forêt est sans doute le produit de la colonisation spontanée d'une friche par l'orme. Oui, cet arbre est une mauvaise herbe à ses heures! Je doute qu'une pareille configuration puisse se trouver dans la nature, sans un milieu transformé par les humains: la friche ou le fond de terre inutilisé.

Dire que c'était un parc spontané! Un aménagement sans-tête. Avec la voute de la canopée portée ainsi bien haute par des fûts sans branches, offrant une ample dilatation invitante. C'était le temps lui-même qui devenait une dimension habitable avec cette qualité de lumière et d'espace impossible à goûter aujourd'hui. On serait bien à marcher dans un pareil endroit! Le vin y serait doux cher ami!  

Impossible aujourd'hui? Ça mérite certainement réflexion!


Les lieux en 1943.

On ne dessine pas les parcs pour des gens comme nous... Dans nos parcs et espaces publics, en-dehors des installations sportives, il semble qu'on ne dessine que sur deux modes: pour le plein soleil, avec des pentes aménagées où les gens s'installent, couverts d'une huile quelconque, afin de rôtir un peu. Ou alors on fait dans l'ombre totale, excuse toute faite pour planter des Érables de Norvège… On fait dans le noir ou le blanc… et le gris? On veut du gris!



Le parc en 1976

Et le gris de l'ombre de l'Orme d'Amérique c'est aussi beau en couleur... On veut des ormes...


L'Université de Guelph a ce projet justement: Elm Recovery Project


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